L’huile d’olive en Grèce, une affaire de familles


EN UN CLIN D’ŒIL

  • Début : Grèce Antique, il y a plus de 5000 ans
  • Production : 300 000 tonnes par an (3ème mondial) dont 70% extravierge
  • Consommation : 130 000 tonnes d’huile d’olive par an
  • Régions de culture : 80% dans le Péloponnèse, la Crète et les îles Ioniennes
  • Producteurs : plus de 500 000 foyers
  • Surface cultivée : 600 000 hectares, 120 millions d’arbres
  • Variétés principales : plus de 100 variétés : Koroneiki, Kalamata, etc.
  • Récolte : d’octobre à février
  • Certifications : europénnes et AOP
  • COI : membre fondateur depuis 1958
Une carte du Péloponnèse

En parcourant les paysages vallonnés de Grèce, nous constatons pour notre plus grand bonheur que le pays est littéralement couvert d’oliviers : cultivés ou sauvages, en plaine ou en altitude, jeunes ou millénaires, sur les îles ou le continent… Athéna, la déesse grecque de l’olivier, n’a pas fait les choses à moitié ! Plongeons dans cet océan d’oliviers pour comprendre les caractéristiques et enjeux du secteur oléicole grec.

Un arbre mythique

Si l’olivier a pour origine la Méditerranée orientale, c’est en Grèce antique qu’il a commencé à être cultivé. Depuis des millénaires, l’olivier et son huile ont imprégné la culture et les mythes grecs. Le nom même de la ville d’Athènes est un hommage de ses habitants à la déesse Athéna qui leur aurait offert un olivier, symbole de paix, force et progrès.

Sur l’Acropole d’Athène, l’olivier d’origine a été détruit par les Perses, mais un jeune centenaire a fièrement pris la relève. – © In Olio Veritas

Des fossiles d’oliviers datant de plus de 50 000 ans ont été retrouvés dans les sols volcaniques de l’île de Santorin. Et de nombreux objets antiques, des amphores, ou encore des vestiges de presses, montrent que l’olivier a tenu une place centrale en Grèce à toutes les époques, tant dans l’alimentation que pour l’éclairage et le chauffage, la médecine et les cosmétiques sans oublier la religion ou le sport.

Feuilles d’olivier fossilisées de plus 50 000 ans retrouvées à Santorin. Musée de l’huile d’olive de Sparte – © In Olio Veritas

L’huile d’olive était en effet incontournable dans les activités sportives de la Grèce antique : les athlètes s’en enduisaient le corps pour préserver la souplesse de leurs muscles, et ils étaient récompensés pour leurs exploits par des litres d’huile d’olive et … une couronne de rameau d’olivier sauvage !

Une production fragmentée

Aujourd’hui, le pays semble couvert d’une toile homogène d’oliviers. Mais quand on l’observe de plus près, il est en fait composé d’une fine maille de petites parcelles familiales, divisées au fil des génération.

Des oliviers à perte de vue dans le Péloponnèse. – © In Olio Veritas

Ces familles cultivent leurs quelques oliviers entre autres cultures, et produisent leur huile d’olive pour leur consommation personnelle, celle de quelques amis et parfois d’un restaurant local. Cette production est rarement leur activité principale, comme chez les Narli à Sifnos, où la fille aînée Irene est postière le matin et oléicultrice l’après-midi. Ces familles travaillent le plus souvent selon les méthodes traditionnelles héritées de grand-père en petite-fille et ne se soucient pas de marketing ni de design.

Dans la ferme des Narli, des oliviers, des tomates, des fèves, des lapins, etc. – © In Olio Veritas

A côté de ces nombreuses exploitations familiales, on trouve évidemment en Grèce quelques acteurs industriels, comme Altis, qui visent avant tout le rendement et la quantité. Mais aussi de plus en plus de nouvelles marques qui misent sur la qualité.

Que ce soient des marques de coopératives ou de métayage comme Phileos of Sparta, des AOP ou IGP comme Kalamata ou Lakonia, ou bien celles de producteurs individuels possédant au moins plusieurs milliers d’oliviers, comme Pamako ou Lià, le but est clairement de monter en gamme et de proposer des produits de terroir grec à des prix plus élevés pour en vivre dignement.

L’huile maxi-polyphénolique ultra-primée de Pamako en Crète. – © In Olio Veritas

Cette tendance récente attire des jeunes, comme la fine équipe d’Oleosophia dans le Péloponnèse, et on observe ainsi en Grèce un phénomène retour à la terre, tiré par la recherche de qualité avec souvent une approche biologique. Cette dynamique est soutenue par le gouvernement, tant via des aides financières que des formations proposées gratuitement par des experts pour apprendre les techniques de culture, de récolte, de moulinage mais aussi de communication modernes.

La fine équipe d’Oleosophia vers Corinthe. – © In Olio Veritas

Le but de ces formations est une amélioration de la qualité générale des huiles d’olives grecques pour une meilleure valorisation, point non négligeable quand on sait que le secteur oléicole est la locomotive du secteur agro-alimentaire grec.

Elles visent aussi à augmenter la part de culture en biologique pour répondre à la demande croissante des consommateurs, tant Grecs qu’internationaux. Le climat chaud et sec, la culture de variété autochtones adaptées au terroir et le petit format des parcelles sont particulièrement propices à la culture en bio. Si la conversion représente un certain investissement, le calcul est rentable pour les producteurs… et pour l’environnement !

Maria Narli n’est pas peu satisfaite de sa dernière formation. – © In Olio Veritas

Les yeux tournés vers l’international

Les Grecs sont les premiers consommateurs d’huile d’olive par habitant au monde, avec 20 à 30 litres par habitant et par an selon les estimations. La gastronomie grecque fait la part belle à l’huile et aux olives de table. La production locale couvre largement les besoins, et bien plus encore puisque la Grèce exporte près d’un tiers de sa production et la demande internationale est en croissance constante.

Que serait une bonne salade grecque sans huile d’olive fraiche ? – © In Olio Veritas

70% de l’huile d’olive produite en Grèce est extra-vierge et les conditions de culture permettent la production d’huiles de qualité recherchées à travers le monde entier. Les huiles dites « premium » sont avant tout destinées au nord de l’Europe : Belgique, Allemagne, Autriche notamment. Mais le gros de la production grecque est envoyé aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Russie, au Japon et depuis plus récemment aussi en Chine.

Certaines marques se focalisent quasi exclusivement sur l’international, comme Oleosophia qui privilégie le marché autrichien au marché domestique : « en Grèce, chaque famille a ses oliviers et son huile, mais les prix de vente sont bas. C’est plus rentable pour nous de déployer nos efforts en Autriche, en Angleterre ou en Belgique, en nous appuyant sur la diaspora grecque locale.« 

L’image paradisiaque de la nature grecque rayonne à travers le monde. – © In Olio Veritas

Mais la conquête de nouveaux marchés n’est pas chose facile, car la Grèce, bien que berceau historique de l’huile d’olive, ne jouit pas de la même notoriété que l’Italie ou l’Espagne à l’international.

Certains producteurs déplorent le manque d’investissements dans le marketing de l’huile d’olive grecque, comparé à ces derniers pays, qui n’hésitent pas à faire de grandes campagnes de communication pour soutenir leurs producteurs nationaux.

La campagne de communication de l’huile d’olive espagnole co-financée par l’Union Européenne en 2018.

Pour parer cet inconvénient, plusieurs producteurs proposent de produire en marque blanche, c’est-à-dire de vendre et mettre en bouteille leur huile au profit de différentes marques bien implantées dans les pays cibles, qui s’occupent elles-même de la communication et de la distribution, et qui revendiquent plus où moins l’origine grecque de l’huile.

La même huile est vendue sous la marque Maxouli pour la Grèce, Fillo en Angleterre, 300 en Chine… – © In Olio Veritas

D’autres producteurs proposent des concepts innovants pour attirer l’attention des consommateurs étrangers, comme Adravasti, qui propose en France d’adopter un olivier crétois et d’en commander la production annuelle livrée à domicile.

Le tourisme oléicole

L’olivier étant un emblème de la Grèce, et son nectar au coeur de la cuisine locale, l’huile d’olive les olives et tous leurs produits dérivés sont devenus un important objet de tourisme. En Crète, les boutiques de souvenir débordent d’huiles, de cosmétiques et de gadgets autour de l’olivier à bas prix, où bien souvent la quantité prime sur la qualité.

Dès l’aéroport, les touristes peuvent acheter des tonnes de produits dérivés de l’olive. – © In Olio Veritas

Mais certains ont préféré à l’inverse profiter de cette ressource divine qu’est l’or vert grec pour proposer des activités oléicoles plus qualitatives : dégustation d’une selection d’huiles grecques avec Mykonos Olive Oil Tasting, agritourisme dans les oliviers chez Les Trois Tortues, découverte de vins et huiles olives sur les bateaux de croisière par Phileos, etc. Tout ceci dans le but d’éduquer les visiteurs curieux aux huiles de qualité et de promouvoir les savoir-faire et terroirs locaux.

Les meilleures huiles grecques selon Anita. – © In Olio Veritas

Avec l’excellente réputation mondiale du régime crétois largement arrosé d’huile d’olive, les consommateurs s’intéressent de plus en plus aux vertus médicinales de l’huile d’olive extra-vierge, ce qui est une opportunité pour les producteurs de monter en gamme, d’aller vers le bio, et de mieux valoriser leurs produits et leur travail.

Il parait que c’est un médicament ! – © In Olio Veritas

Retrouvez tous nos articles sur l’huile d’olive en Grèce par ici et nos bandes dessinées par là.

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