- Producteur : famille Baharloo
- Marque : Darab Olive Oil
- Année d’établissement : 2001
- Lieu : Entre Darab et Zarrin Dasht, Province du Fars, Iran
- Oliveraie : 700 Ha, 220 000 arbres
- Variétés : Arbequina, Koroneiki, Manzanillo, Mission etc. Une quarantaine au total
- Récolte : d’octobre à décembre, en partie mécanisée
- Moulin : les olives sont pressées dans un moulin coopératif à plus de 1300 km de l’oliveraie
- Production : 2 000 à 3 000 tonnes d’huile d’olive par an
- Autres produits : olives de table, mais aussi oranges, citrons, dattes, blé et colza
- Spécificités : plus grande oliveraie privée d’Iran
Darab Olive Oil, la folie des grandeurs version Iranienne
Entouré d’arides montagnes désertiques, et assommé d’un soleil de plomb tout au long de l’année, le plateau qui entoure la ville de Darab à 1100 mètres d’altitude offre pourtant ici et là un paysage étonnamment vert et fertile. Et pour cause, la zone est non seulement arrosée par la rivière Rudbar, mais aussi située au-dessus de nombreuses couches aquifères, dont l’homme a puisé l’eau depuis au moins deux millénaires. C’est dans cette région, à 50 kilomètres au sud de Darab, que la famille Baharloo a établi en 2001 son exploitation oléicole, qui serait aujourd’hui la plus grande oliveraie privée d’Iran, voire de tout le Moyen-Orient. Visite guidée et – superficie oblige – motorisée !

In Olio Veritas – Madame Baharloo, bonjour et merci de votre accueil. Pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’histoire de cette entreprise familiale ?
Nooshin Baharloo – Soyez les bienvenus. Tout le mérite revient à mon époux, un homme au coeur immense, qui s’est démené des années durant pour domestiquer la nature et accomplir son rêve, avec ce que certains appelleront passion et d’autres folie. Mais sans jamais recevoir le moindre soutien des pouvoirs publics, bien au contraire… En quelques mots, après s’être formé à l’étranger, il a planté ici en 2001 une première parcelle de 100 hectares d’oliviers. Les maigres bénéfices ont été régulièrement réinvestis pour agrandir pas à pas l’exploitation, qui couvre aujourd’hui plus de 700 hectares, et bientôt même huit cents ! Avec 220 000 arbres, c’est la plus grande oliveraie privée du pays et peut-être même du Moyen-Orient. La moitié de la production est transformée en huile d’olive, soit 2 000 à 3 000 tonnes en fonction des années, et l’autre en olives de table.

IOV – Et il semble que vous vous ne soyez pas arrêtés aux oliviers, est-ce exact ?
Nooshin Baharloo – En effet, nous cultivons des dattes de la variété Tiarom, mais surtout des oranges et du citron, sur près de 150 hectares. Nous produisons aussi du blé et du colza, sur 400 hectares environ. Mais vous êtes avant tout venus pour les olives et je vous laisse entre les mains de Dariush Nowroozi, responsable de l’oliveraie depuis le tout premier jour ! Son père travaillait déjà pour mon époux il y a 30 ans, qui a choisi Dariush personnellement pour s’occuper des oliviers.

IOV – Bonjour Dariush. En quoi consiste votre rôle dans l’oliveraie ?
Dariush Norouzi – Je supervise toutes les opérations qui ont trait aux arbres, au sol, à l’irrigation, etc. Une dizaine de familles vit dans la plantation et y travaille, soit 60 à 70 personnes qui s’occupent des oliviers au quotidien. J’assigne des tâches à chacun, et ils viennent me voir si quelque chose les alerte dans l’oliveraie. La période la plus chargée étant bien sûr celle de la récolte puisque, pendant 2 mois, ce sont alors plus de 300 personnes qui travaillent ici.

IOV – Parlez-nous un peu de l’oliveraie. Quelles variétés cultivez-vous par exemple ?
Dariush Norouzi – Avec Monsieur Baharloo, nous avons une approche expérimentale. Nous avons planté plus de quarante variétés depuis 2001, uniquement étrangères, et certaines se sont révélées plus adaptées que d’autres aux conditions locales. C’est le cas de l’Arbequina et la Koroneiki pour l’huile par exemple, ou de la Manzanillo et l’Amidalifolia pour les olives de table. Alors progressivement, nous greffons les meilleures variétés sur les arbres qui se sont montrés moins adaptés. Et sur certaines des parcelles plus récentes, nous avons planté les variétés acclimatées en mode intensif, avec un espacement de 2 mètres entre chaque arbre et 3,5 mètres entre chaque rangée. Le reste de l’oliveraie étant en semi-intensif (4 mètres x 7 mètres) et le tout entièrement mécanisé.

IOV – Comment décririez-vous les conditions locales justement ?
Dariush Norouzi – Il y a très peu de précipitations, entre 200 et 300 millimètres par an, avec des variations importantes d’une année à l’autre. L’an dernier par exemple, il n’est tombé que 50 mm de pluie, alors que sur les 4 premiers mois de l’année 2019 il en est déjà tombé 250 mm. Quoiqu’il en soit l’irrigation est indispensable, et nous avons 12 puits sur l’exploitation d’où nous pompons l’eau nécessaire, qui est redistribuée aux arbres toutes les 48 heures par un réseau de tuyaux à 1 mètre sous le sol. Ce terrain a été choisi pour la proximité et l’abondance de la nappe phréatique.

IOV – Quid du sol ?
Dariush Norouzi – C’est un sol plutôt drainant et par ailleurs assez riche en nutriments, même si nous devons l’enrichir au printemps et à l’automne avec du sulfate d’ammoniaque. Nous avions fait tester le sol en 2001 par un laboratoire espagnol qui avait rendu des conclusions positives. Depuis nous envoyons des échantillons pour analyses en Espagne tous les 5 ans, pour s’assurer que tout va bien.

IOV – Outre ces engrais, vos arbres nécessitent-ils d’autres soins réguliers ?
Dariush Norouzi – Compte tenu de l’air sec et des températures élevées, nous ne craignons pas les champignons ou les moisissures ici. Cela nous permet de ne tailler les arbres qu’en hauteur, pour faciliter la récolte, et de garder des branches fournies comme vous pouvez le voir. Chaque arbre donne ainsi en moyenne 50 kilos d’olives par an, mais certains peuvent donner le double voire même jusqu’à 200 kilos. En revanche, il y a bien quelques insectes et parasites, que nous éloignons en pulvérisant 2 à 4 fois par an des pesticides préparés par Bayer, vous connaissez sûrement cette entreprise allemande…

IOV – La société chimique et pharmaceutique Bayer arrive à vendre ses produits en Iran malgré les sanctions économiques ?
Dariush Norouzi – Je ne sais pas comment les produits arrivent jusqu’en Iran, mais ce que je peux vous assurer c’est qu’avec l’inflation consécutive à la restauration des sanctions, les prix ont flambé. Nous payons aujourd’hui l’insecticide 3 fois plus cher qu’en 2018. Idem pour le reste du matériel agricole d’ailleurs, dont le prix a également été multiplié par 3. Tout cela ne sera pas viable très longtemps…

IOV – L’exploitation est immense, et pourtant vous ne disposez pas de votre propre moulin. Pourquoi ?
Dariush Norouzi – L’installation d’une huilerie ici, avec un moulin, une chaîne de mise en bouteille et des chambres de stockage, représenterait un investissement financier très conséquent. Comme l’a indiqué Madame Baharloo, le choix jusqu’ici a été fait de réinvestir les bénéfices dans l’accroissement progressif de l’oliveraie plutôt que dans la construction d’une telle fabrique. Peut-être la question se posera-t-elle un jour.
IOV – En attendant, où envoyez-vous vos olives une fois récoltées ?
Dariush Norouzi – Dans la région qui possède les plus grandes huileries du pays : Manjil (voir nos précédents articles sur cette région ici ou là).

IOV – Mais c’est à l’autre bout du pays !
Dariush Norouzi – En effet. Il y a 1300 kilomètres de route environ. Les olives sont récoltées le matin, partent en camion en début d’après-midi et arrive dans la nuit au moulin. Et cela tous les jours pendant deux mois. Mais ce n’est pas si aberrant puisque c’est à Téhéran que nous écoulons principalement notre production, et Manjil n’est qu’à deux heures de la capitale. Le reste de la production est rapatrié et vendu à Shiraz. Nous vendons tout dans ces deux villes et n’exportons pas. Ce qui ne nous empêche pas de rédiger nos étiquettes en anglais : une astuce marketing pour renforcer le côté premium du produit aux yeux des iraniens !
IOV – Un produit que nous avons hâte de goûter ! Merci pour cette visite.

La société ne vendant ses bouteilles qu’à Téhéran et Shiraz, Nader, son intendant local s’est démené pour nous trouver deux bouteilles à Darab, de deux blends différents : le premier d’une multitude de variétés et le second d’une sélection de Koroneiki et Arbequina. Malheureusement les bouteilles devaient être stockées dans de mauvaises conditions car les 2 huiles se sont révélées rances. À moins que l’origine du mal soit plus profond, comme par exemple une fermentation lors du transport des olives sur 1300 km entre l’oliveraie et le moulin ?

Retrouvez tous nos articles sur l’huile d’olive en Iran, ici.
Une réflexion sur “Darab Olive Oil – Iran”