Un pont d’oliviers entre la Turquie et le Japon

Face à la curiosité croissante des Japonais pour les oliviers, un projet lui-même curieux est né il y a deux ans : le Kizuna Olive Project. Pour célébrer l’amitié Turquo-Japonaise, il s’agit d’importer des oliviers de la variété turque Gemlik, réputée particulièrement résistante aux climats rudes, pour les diffuser un peu partout au Japon. Retour sur la germination de cette idée avec Kimihiko Konno, 27 ans, entrepreneur néo-rural qui rêve d’un monde meilleur dans le sud des Alpes Japonaises…

Les jeunes plants de Gemlik dans le jardin de Kimi et Mayu. – In Olio Veritas

In Olio Veritas – Bonjour Kimihiko. En quoi consiste cet étonnant projet Kitzuna Olive ?

Kimi – « Kizuna » signifie connexion, celle de la Turquie et du Japon autour d’une passion commune : l’olivier. Nous avons été invités par l’ambassade de Turquie à Tokyo pour lancer le projet l’année dernière. Voici la brochure, la première étape consiste en l’importation de plusieurs centaines d’oliviers de la variété Gemlik pour les planter un peu partout au Japon et tester sa résistance aux spécificités des sols et des climats des différentes régions du pays.

Un extrait de la brochure en japonais, lisez donc les images !

Tout le monde peut participer à l’expérience, recevoir un ou plusieurs oliviers Gemlik et échanger avec des experts. Quand les arbres seront productifs dans cinq quand, nous produirons de l’huile d’olive de Gemlik, mais aussi, comme c’est une variété très feuillue, nous pourrons faire du thé d’olive, du curry d’olive et des aliments biologiques pour les animaux d’élevage comme les boeufs, les porcs, les poulets mais aussi les poissons.

Un olivier Gemlik bien portant en Turquie

IOV – Et comment une telle initiative est-elle née ?

Kimi – Tout vient d’une brillante idée d’un ami qui travaille pour Turkish Airlines à l’aéroport Narita de Tokyo. Il y a deux ans, il a entendu parlé d’une variété d’olive Turque particulièrement résistante au froid et à l’humidité des montagnes : la Gemlik. Considérant son réseau de contacts dans les transports aériens et en Turquie, il s’est dit qu’il serait facile d’en importer au Japon dans de bonnes conditions. Le transport depuis la pépinière de Gemlik en Turquie est assuré par sa société Sansui Co. Ltd. en moins de trois jours pour préserver les jeunes plants âgés de deux ans.

Les jeunes Gemlik de 2 ans sont mis en bouquet pour l’envoi vers le Japon.

Ensuite il a monté une équipe dont je fais partie pour diffuser l’idée et les oliviers au Japon. Comme vous le savez, on trouve des oliviers principalement à Shōdoshima et à Kyushu, mais avec une telle variété il devient possible d’en planter partout au Japon ! C’est un projet très excitant, car de plus en plus de Japonais s’intéressent aux oliviers.

IOV – Et donc concrètement quel est votre rôle dans cette affaire ?

Kimi – Je m’occupe de la réception des arbres au Japon et de leur répartition parmi les personnes intéressées. Depuis un an j’ai déjà reçu 400 oliviers. J’en ai distribué une cinquantaine dans la région. Les profils des gens intéressés sont très variés. Il y a des fermiers du village qui me demandent 3 ou 5 arbres pour commencer. J’ai aussi pas mal de demandes individuelles pour de l’ornementation. Et des cas originaux, comme cette dame de Toyama qui a déjà 22 variétés d’oliviers et souhaite compléter sa collection. Avec les plus de 300 arbres qu’il me reste, je souhaite monter un véritable « village de l’olive » ici à Takasaki.

Bonsaï d’olivier à la japonaise comme déco de jardin. – In Olio Veritas

IOV – Vous vous y connaissez en oléiculture ?

Kimi – Pas encore ! Mais je me forme. Via des livres et de la documentation en ligne, mais surtout auprès de la pépinière japonaise Iro Iro Garden et de d’autres oléiculteurs du pays. J’apprends les bases de la culture des oliviers, mais aussi de la taille bonsaï pour l’ornementation. Regardez mes deux tout nouveaux sécateurs d’experts !

Le bonsaï est un art qui mérite des outils de qualité. – In Olio Veritas

IOV – Où allez-vous planter vos 300 bébés oliviers pour lancer votre village de l’olive ?

Kimi – Nous sommes dans une région agricole à 600m d’altitude, où la riziculture, le maraîchage et la culture de poires sont implantés depuis des générations. Mais les paysans vieillissent, les villages se vident et de plus en plus de terrains sont inutilisés. Je vais donc collaborer avec les fermiers propriétaires pour les planter et m’en occuper.

La vallée agricole et montagneuse du futur village de l’olive. – InOlio Veritas

Le problème principal est celui du sol : les anciennes rizières sont des terrains spongieux voire gluants, pas du tout adaptés pour les oliviers. J’ai envoyé un kilo d’échantillons de sol d’ici chez Iro Iro Garden à Kyushu, pour savoir quelle marche suivre pour préparer le terrain avant de planter. Tout d’abord je dois assécher les terres, puis ajouter les 4 éléments suivants : du fumier de bétail, du compost d’écorce, de la chaux de magnésium et un engrais organique à base de farine de poisson.

Un prunier en fleur sur fond de montagne et le dernier arrivage de Gemliks de Kimi. – In Olio Veritas

IOV – Et que pense la commune de Takasaki de votre projet ?

Kimi – Ils sont ravis et soutiennent notre installation ici, comme pour tout autre projet susceptible de créer de l’activité locale et d’attirer des jeunes dans cette région. Nous ne payons pas de loyer, avons un accès facile à la terre et bénéficions de leurs moyens de communication. Je travaille déjà depuis 2 ans pour une autre initiative originale soutenue par la municipalité : l’école anglaise, qui est un lieu d’un enseignement alternatif mêlant l’apprentissage de l’anglais, de l’agriculture paysanne et de la cuisine japonaise traditionnelle. Chaque année, 20 élèves sont sélectionnés parmi 2000 candidatures provenant de tout le Japon pour bénéficier de cet enseignement en pension complète.

IOV – Comment voyez-vous les années à venir ?

Kimi – Je suis très enthousiasmé par projet de village de l’olive, qui j’espère va rayonner dans le pays et attirer d’autres jeunes passionnés. Mais, objectivement, je pense que dans un premier temps, une bonne partie de mon activité en tant que Kurabuchi Olive va être de vendre des bonsaïs d’oliviers ornementaux pour les maisons japonaises trop petites pour de grands arbres. Il y a déjà une boutique Gemlik à Tokyo, ils vendent 10 000 yens (80€) le plant de 2 ans et ils sont toujours en rupture de stock! Sinon, sur le plan personnel j’aimerais beaucoup aller en Turquie pour voir les oliviers Gemlik à la source !

Petit Gemlik deviendra grand ! – In Olio Veritas

IOV – Merci Kimi !

Kimi nous offre un petit Gemlik de 2 ans, que nous baptisons ensemble Soma-Olivier, en guise se connexion éternelle entre nous, du Japon à la France, en passant par la Turquie !

Pour en savoir plus sur Kurabuchi Olive :

Retrouvez tous nos articles sur les oliviers du Japon par ici !

And in English here : https://inolioveritas.org/category/eng-🇬🇧/japan/

2 réflexions sur “Un pont d’oliviers entre la Turquie et le Japon

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