Oléatech 2022 au Domaine du Temps perdu

On vous en avait déjà parlé en 2020 : Oléatech c’est LE salon pour les oléiculteurs, amateurs comme professionnels. Tous les deux ans, une quarantaine d’exposants s’y côtoient, qui proposent ici des sécateurs électriques, là des dégustations d’huile d’olive ou bien encore des pièges à phéromones contre la mouche de l’olivier. Tout au long de la journée, des conférences se succèdent sur des thèmes assez divers, ce qui permet à chacun d’y trouver son bonheur. Le tout dans un cadre rarement décevant… Après le moulin du Clos des Jeannons à Gordes (84) en 2020, c’était au tour du Domaine du Temps perdu à Mouriès (13) d’accueillir la manifestation.

Les stands des exposants au salon Oléatech 2022 au Domaine du Temps Perdu à Mouriès (13) – © In Olio Veritas

Le Domaine du Temps perdu

Rien que la route pour y accéder vaut le détour. Un peu avant Saint-Rémy de Provence, on quitte la départementale monotone qui longe les Alpilles pour s’enfoncer enfin plein sud dans le massif en direction de Mouriès et Aureille. Dès lors, la route se met à sinuer en épousant le relief, au milieu de pinèdes magnifiques qui laissent apercevoir ici et là quelques vignes et oliveraies flanquées au pied d’excroissances rocheuses qu’on dirait sorties d’un décor de cinéma. On roule ainsi pendant dix kilomètres, sans croiser la moindre construction humaine et on se dit que la nature est bien belle quand on la laisse en paix.

Une fois arrivés au Domaine du Temps perdu, on se dit que la nature peut aussi être très belle quand elle traitée avec respect. Ce domaine de 20 hectares, dont 12 cultivables, abandonné depuis 1956, a été repris en 2020 par un couple épaulé par 3 amis. Et la joyeuse troupe voit les choses en grand, et en vert. Dans ce domaine qui se veut « écosystémique », tout est pensé pour avoir un impact le plus positif sur l’environnement : récupération de l’eau de pluie par ruissellement, optimisation de l’irrigation avec des oyas, projet d’élevage et maraîchage en aquaponie, etc. C’est assez impressionnant de voir tout ce qui a déjà été fait en moins de deux ans. Malgré son nom, on ne perd pas de temps au domaine.

Le potager du Domaine du Temps Perdu, devant la marre de récupération d’eau de pluie – © In Olio Veritas

Cultiver son sol

Une partie du salon Oléatech était consacrée aux questions du sol, avec en point d’orgue la participation du biologiste émérite Marc-André Selosse. Une heure de conférence passionnante et très dense qu’on peut essayer de résumer ainsi : les organismes vivant sous nos pieds sont extrêmement précieux car ils stabilisent nos sols et permettent aux plantes d’avoir à manger, mais ils sont aussi très fragiles et il faut donc limiter au maximum les interventions humaines artificielles (labourage, herbicides, engrais minéraux…). Une intervention conclue par ces 3 chiffres qui donnent à réfléchir sur nos modes de production intensive et de consommation excessive :

  • 30% de la nourriture que nous achetons finit dans la poubelle,
  • 71% des terres agricoles exploitées le sont pour l’alimentation animale,
  • Nous consommons 5 fois plus de viande que ce dont nous avons besoin.
Salle comble pour la conférence de Marc-André Selosse – © In Olio Veritas

Au sujet du sol toujours, il a souvent été question de mycorhization durant Oléatech. La mycorhization, quésaco ? C’est l’association des racines des plantes avec les filaments souterrains des champignons (le mycélium). Par un effet de symbiose, les plantes vont ainsi accroître significativement leur potentiel d’alimentation, comme si leurs racines étaient prolongées par le mycélium, tandis que les champignons ponctionneront une partie du sucre produit par la photosynthèse de la plante.

Un partenariat gagnant-gagnant, que certains agriculteurs cherchent à amplifier en inoculant artificiellement des champignons dans leur sol – une solution proposée par un des exposants du salon Oléatech. C’est d’ailleurs ce qui a été fait au Domaine du Temps perdu, où les milliers d’oliviers, d’amandiers et d’hélichryses ont été « mycorhizés » au moment de leur plantation. Cette technique suscite néanmoins le débat, Marc-André Selosse faisant par exemple part de son scepticisme sur un procédé très artificiel qui tente de reproduire un équilibre naturel particulièrement subtil et complexe.

Un jeun amandier de 3 ans planté au Domaine du Temps Perdu – © In Olio Veritas

De l’eau et des poissons

On a aussi beaucoup parlé d’eau lors d’Oléatech, un sujet rendu d’autant plus brûlant par la sécheresse qui dure depuis des mois. Un enjeu qui a d’ailleurs poussé la troupe du Domaine du Temps Perdu à faire creuser, au point le plus bas de la propriété, une vaste marre pour collecter les eaux de pluie par ruissellement (lors des pluies abondantes, l’eau qui n’a pas le temps de pénétrer le sol dévale la pente sous l’effet de la gravité et finit sa course dans la marre de récupération). De quoi disposer à terme de 4000 mètres cubes d’eau pour l’irrigation des cultures.

Une irrigation que beaucoup d’arboriculteurs cherchent à optimiser, les systèmes actuels de goutte-à-goutte ne donnant pas toujours satisfaction : consommation en eau importante, arrosage non uniforme… Aussi certains expérimentent-ils le retour à une méthode ancienne, connue sous le nom d’oya. Un oya, c’est une poterie en terre cuite que l’on enterre et remplit d’eau, et qui va délivrer le précieux liquide au sol autour d’elle à travers les micropores de la terre cuite. Une « technologie » connue depuis l’Antiquité, qui permet de réduire substantiellement les quantités d’eau utilisées. Le Domaine du Temps Perdu prévoit ainsi d’en enterrer 4 par olivier et amandier, soit plus de 12 000 oyas à installer sur l’ensemble du terrain !

Malik, responsable de l’arboriculture au Domaine du Temps Perdu, auprès d’un oya sous un olivier – © In Olio Veritas

Qui dit eau dit aussi … poissons ! Un rapport pas évident en arboriculture, mais qui nous a néanmoins donné l’occasion d’assister à une conférence très intéressante sur l’aquaponie, ce système de culture qui consiste à élever des poissons dans des bassins, et utiliser une partie de l’eau (« nettoyée » par des bactéries spécifiques) et de leurs excréments (« filtrés » par lombricompostage) pour irriguer et fertiliser des cultures maraîchères à côté. Un cercle vertueux qui peut aussi être adapté pour l’arboriculture : l’eau et les nutriments sont réintroduits au pied des arbres plutôt qu’au pied des plants de tomates. C’est aussi un des projets du Domaine du Temps Perdu, qui prévoit d’implanter prochainement sur la propriété une serre aquaponique autonome en énergie (grâce à des panneaux solaires).

Rien ne se perd, tout se transforme

Enfin une autre partie du salon Oléatech faisait la part belle au réemploi des matières organiques. En cette période de crise énergétique, notre oeil a nécessairement été attiré par cet exposant qui propose des chaudières capables de brûler les résidus de noyaux d’olive récupérés auprès des moulins, un sujet que nous suivons depuis longtemps et dont nous avions déjà parlé lors de notre séjour au Liban et même dans un article dédié. Les noyaux d’olive disposent en effet d’un pouvoir calorifique très important, et sont jusqu’à présent très rarement utilisés ou valorisés par les mouliniers. C’est encore balbutiant, mais de plus en plus de collectivités territoriales, notamment en Provence et en Languedoc, se montrent intéressées par ce système de chauffage avec un combustible local, performant et bon marché.

Une chaudière capable de brûler les grignons d’olives – © In Olio Veritas

Du côté du Domaine du Temps Perdu, l’accent était surtout mis sur leur expérience de recyclage du bois. La propriété n’ayant pas été entretenue entre 1956 et 2020, elle se trouvait en état de friche et il a fallu déboiser massivement les parcelles pour pouvoir les replanter. Toute la végétation ainsi coupée a ensuite été broyée puis mise à composter partiellement, avant d’être épandue en paillage épais au pied des arbres, permettant ainsi de limiter l’évaporation de l’eau du sol. Là encore, un réemploi astucieux et vertueux.

Un tas de bois broyé en train de pré-composter – © In Olio Veritas

Impossible de mentionner ici tous les exposants du salon, qui proposent aussi bien du matériel agricole que des logiciels de suivi et optimisation des cultures ou encore des insectes à lâcher pour favoriser la biorégulation de son verger… Mais Oléatech c’est toujours le même plaisir de pouvoir discuter avec des passionnés d’oléiculture et de recroiser des « collègues » venus d’autres contrées. Rendez-vous dans deux ans !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.