Moulin des Ombres – Gard, France

  • Propriétaire : Jean-René de Fleurieu
  • Marque : Domaine des Captives – Château de Montfrin – Moulin des Ombres
  • Depuis : milieu des années 1990
  • Lieu : Montfrin, Gard (France)
  • Oliveraie : plus de 80 hectares d’oliviers en haute densité, soit près de 120.000 arbres
  • Variété : une quinzaine de variétés : arbequina, coratina, koroneiki, petit ribier…
  • Récolte : entièrement mécanisée en septembre/ octobre (fruité vert)
  • Moulin : Moulin des Ombres, d’une capacité de 5 tonnes par heure
  • Production : par dizaines de milliers de litres, y compris sous marque blanche
  • Certification : biologique
  • Autres produits : le moulin presse les olives d’autres producteurs de la région ; plus de 100 hectares de vigne

Jean-René de Fleurieu, le poète-technicien

Ce sont deux faces d’une même pièce. D’un côté, un domaine immense, des oliviers plantés en haies à haute densité comme en Espagne, des machines agricoles hors norme, un moulin à la pointe de la modernité… De l’autre, un paysan qui cultive le bon-sens terrien et développe une approche poétique de son activité oléicole. Les opposés s’attirent dit-on, et Jean-René de Fleurieu fait la jonction en mêlant onirisme et pragmatisme. Le fruit de son travail est tout simplement délicieux.

Ça c’est un gros tracteur ! – © In Olio Veritas

Le train de la modernité

Tout est parti d’une ligne de TGV, il y a 25 ans. Pour pouvoir la construire, la SNCF a exproprié Jean-René de Fleurieu d’une parcelle de 2 hectares de bonne terre, avec l’argent de laquelle il a néanmoins réussi à faire l’acquisition d’une autre parcelle, de 25 hectares celle-ci. A l’heure où l’Espagne commençait à déployer la culture de l’olivier en haute densité, Jean-René de Fleurieu s’est également intéressé au sujet et fut l’un des tous premiers à développer la pratique en France.

Mais d’abord, la haute densité, quésaco ? C’est le fait de cultiver les oliviers avec un espacement très réduit entre les plants, dans le but de maximiser le nombre d’arbres et donc les rendements à l’hectare : 3 à 5 mètres entre chaque rangée d’arbres, et 1m50 entre chaque arbre au sein d’une rangée, ce qui donne une succession de haies d’oliviers, dont on compte entre 1500 et 2000 individus par hectare, au lieu des 250 à 300 en culture traditionnelle.

On est donc loin a priori des paysages de Giono ou Pagnol, ce qui n’empêche pas Jean-René de Fleurieu de parler de l’oléiculture avec un lyrisme qui n’a rien à envier aux deux géants de Provence. Ce qui compte pour lui par dessus tout, c’est le goût du produit final. La dégustation qu’il organise et commente est un petit voyage au pays des saveurs, aussi agréable au palais qu’à l’oreille.

Une oliveraie géante à haute densité en Californie – © Olive Oil Times

La recette du succès

Avec l’huile du Moulin des Ombres, Jean-René de Fleurieu fait donc la démonstration que les nouvelles technologies et la haute densité n’empêchent pas la qualité et la subtilité aromatique, bien au contraire – et contrairement à une idée encore très répandue dans le monde oléicole, tout du moins en France. Le guide Flos Olei, la référence en matière d’huile d’olive, ne s’y est d’ailleurs pas trompé et classe régulièrement le Moulin des Ombres parmi les meilleures huiles d’olive du monde.

Mais alors qu’on est encore en train de rêvasser avec un goût d’artichaut dans la bouche, Jean-René nous surprend et délaisse l’onirisme pour le pragmatisme du chef d’exploitation. Il nous détaille pêle-mêle les avantages de la culture en haute densité : outre la maximisation du rendement à l’hectare, elle permet notamment, via la mécanisation quasi-intégrale du travail de culture, un coût de la main d’œuvre bien moins important. Pour la taille par exemple, un sécateur à air comprimé monté sur un tracteur enjambeur permet de tailler un hectare d’oliviers en 40 heures en moyenne, là où il faut compter le double voire le triple pour une taille à la main en verger traditionnel. Quant au coût de la récolte, c’est un rapport du simple au quadruple en faveur de la haute densité selon les calculs de Jean-René.

Autre avantage, la plupart des variétés cultivées en haute densité viennent à fruit en 3 ans environ, contre 5 à 8 ans en verger traditionnel. Bref, la haute densité nécessite des investissements lourds et coûteux, mais qui sont ensuite bien amortis. Au final, le coût de revient de la culture en haute densité s’établirait en moyenne autour de 5€ par litre, contre une quinzaine d’euros pour l’huile d’olive produite de façon traditionnelle.

Parmi les investissements consentis par Jean-René de Fleurieu, n’oublions pas au passage un impressionnant moulin d’une capacité de 5 tonnes d’olives par heure – ce qui en fait l’un des plus gros installés en France – d’où sortent plusieurs centaines de milliers de litres d’huile olive chaque année. Celle de Jean-René bien sûr, qu’elle soit commercialisée sous sa propre marque ou pour le compte d’autres distributeurs, mais aussi celle de plusieurs producteurs des environs.

« Vous sentez quelque chose ? – Non ? – RIEN ! Un bon moulin ne sent RIEN » – © In Olio Veritas

Une agriculture d’avenir ?

Il ne peut cependant pas y avoir que des avantages dans la culture en haute densité, et Jean-René de Fleurieu en convient. A ses yeux, elle est peu compatible sur le papier avec l’agriculture biologique. « C’est comme si vous achetiez une Ferrari mais que vous lui montiez des pneus de tracteur » compare-t-il. Par ses besoins en eau (3000 mètres cubes par hectare sur une saison) et en éléments fertilisants, pour le principe même d’agglutiner des arbres dans des haies régulières, la culture en haute densité semble en effet tout sauf naturelle.

Malgré tout, Jean-René a tenu à exploiter ses arbres en agriculture biologique, et qualifie son travail d' »artisanat fonctionnel« , par opposition à l’image industrielle que renvoie généralement la culture en haute densité. « Cette mécanisation n’est pas une religion, mais l’aboutissement d’une réflexion sur l’amélioration de la qualité organoleptique de l’huile, elle en est un des éléments essentiels » est-il écrit sur son site internet.

Malgré des résultats probants, Jean-René de Fleurieu regrette la mauvaise image qui continue de coller à la peau de la culture en haute densité en France. « Nous sommes assez isolés dans notre système de production, nous ne devons pas être plus de 15 en France, et nous sommes parfois vus comme des brebis galeuses« , commente-t-il, avant de poursuivre : « Il y a un certain immobilisme dans l’oléiculture, alors que l’on ne s’étonne plus de voir des vignes récoltées mécaniquement, des vergers de pommiers en haute densité, ou des cerisiers changer de variétés tous les 20 ans« .

D’où vient ce conservatisme qui semble en effet propre à l’olivier ? Peut-être de l’image pagnolesque, justement, qu’on en a souvent ; de l’arbre vénérable pour lequel on ne peut sacrifier la tradition au profit du progrès technologique ? A méditer…

Retrouvez le Moulin des Ombres :

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