- Producteur : Christina
- Marque : Zeit Mantoura
- Année d’établissement : 2018
- Lieu : Daraya au Nord du Liban
- Oliveraie : 1,6 hectares, 400 arbres
- Variétés : Baladi
- Récolte : mi-octobre
- Moulin : utilise le moulin moderne d’un producteur voisin
- Production : 1000 litres pour la première année
- Autres produits : olives de table et savon
- Spécificités : projet saisonnier
Les traditions à l’épreuve de la jeunesse
Nous traversons les collines couvertes d’oliviers de la région de Zgharta pour aller rendre visite à Christina de Zeit Mantoura. Du haut de ses 24 ans, elle est certainement la plus jeune productrice d’huile d’olive du Liban ! Et elle entend bien mener l’affaire à sa façon, en s’appuyant sur son parcours scientifique pour se délester des traditions des anciens du village.

In Olio Veritas – Bonjour Christina, kifik, ça va. Comment êtes-vous tombée dans l’huile d’olive ?
Christina – Cette oliveraie centenaire appartenait à mes grand-parents, qui produisaient leur huile d’olive de façon assez informelle et géraient un moulin avec quatre presses traditionnelles dans le village. Mon père n’a pas repris l’activité car il est parti travailler à l’étranger dans un tout autre secteur. Suite à mes études d’ingénieur agricole à l’Université Américaine de Beyrouth et aux Pays-Bas, j’ai souhaité relancer l’oliveraie et ma famille m’a soutenue. J’ai créé Zeit Mantoura en octobre dernier pour ma première récolte et production d’huile d’olive extravierge.

IOV – En quoi votre parcours scientifique est un atout selon vous ?
Christina – À Daraya, la plupart des oléiculteurs n’ont pas fait d’études et perpétuent une tradition familiale en répétant ce qui est fait par leurs parents, de générations en générations. Il y a du bon à écouter les anciens, mais il y a beaucoup de choses que l’on peut moderniser ! J’ai étudié l’agriculture en général et je souhaite mettre en œuvre des méthodes efficaces qui garantissent une production saine. Par exemple, pour la presse des olives, les moulins modernes permettent une bien meilleure qualité gustative que les pressoirs en pierre. Mais beaucoup de fermiers du village ne l’admettent pas – voire le critique – et continuent à travailler avec les scourtins de paille, à l’ancienne. Ce n’est pas facile de changer les mentalités !

IOV – Pour ou contre les herbicides et pesticides ?
Christina – C’est un des grands débats au village. Certains labourent, d’autres tondent les herbes seulement, et d’autres préfèrent utiliser des herbicides. Tous critiquent les méthodes des autres bien sûr. Pour l’instant, j’ai choisi d’utiliser un herbicide car je suis contre labourer pour ne pas couper les racines de surface des arbres. Mais j’espère trouver d’autres méthodes moins chimiques dans les années qui viennent. Le biologique ne tient pas encore une place importante au Liban, ce n’est pas rentable, mais cela viendra.
Côté pesticide, c’est aussi un débat collectif car nous avons à lutter contre la mouche de l’olive qui peut faire beaucoup de dégâts. Si un seul producteur n’asperge pas ses arbres, il va récupérer toutes les mouches des autres ! Donc pour l’instant je traite les arbres. La première pulvérisation est prévue pour la semaine prochaine.

IOV – Pour la récolte, quels outils utilisez-vous ?
Christina – Pour cette première récolte, j’ai équipé mes ouvriers agricoles du village de peignes électriques. Mais une fois de plus, le poids des traditions m’a donné des maux de têtes : j’ai retrouvé mon équipe utilisant les peignes à l’envers, comme bâtons pour battre les arbres, à l’ancienne. Ils n’ont cessé de m’expliquer que la technologie ne servait à rien, que c’était moins bien, qu’ils préféraient leur méthode… désespérant ! De plus, les ragots du village sont allés bon train car j’ai récolté trop tôt selon eux, avant les orages d’octobre qui soi-disant bonifient les olives avant la presse.
Bref, j’avais tout les anciens du village dans mon oliveraie pour me dire de faire comme-ci ou comme-ça. J’ai même du hausser le ton avec certains pour qu’ils me laissent faire à ma façon. Mais ils restent bienveillants car ils savent que je veux bien faire et que je suis bien conseillée par Monsieur Joseph, le propriétaire du moulin, qui a une renommée bien installée.

IOV – Achetez-vous des olives à d’autres oléiculteurs pour compléter votre production ?
Christina – Moi non, mais c’est encore une tradition répandue dans la région. C’est ce qu’on appelle le shimbel : un expert est mandaté pour évaluer avant l’été la quantité de fruits et d’huile que produira un arbre ou une parcelle au moment de la récolte en octobre ou novembre. Il fixe ainsi le prix du shimbel = 120 kg d’olives, auquel un vendeur peut proposer ses olives à un vendeur. De mon côté je me concentre sur mon oliveraie pour la rendre plus productive dans les années à venir.
IOV – À qui et comment vendez-vous votre huile d’olive ?
Christina – Au Liban, tout le monde connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui produit de l’huile d’olive. C’est comme ça que les familles achètent leur deux gallons (36 litres) pour l’année, pas sur des critères de goût ou de qualité. D’ailleurs, la plupart des Libanais préfèrent l’huile que nous considérons comme rance. Donc c’est assez particulier de vendre de l’huile d’olive extravierge. Mais via le marché de producteur du Souk el Taieb à Beyrouth j’ai déjà pu écouler toute ma production à 130$ le gallon de 18 litres ou en bouteilles à six fois le prix. Cette année, je n’ai produit que 1000 litres, mais j’espère produire bien plus les années suivantes et je vais chercher à exporter. En France par exemple ?

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