L’année 2023 aura définitivement été marquée par la rareté des pluies et leur timing facétieux : pendant la floraison puis en plein pendant la récolte. Malgré la sécheresse, ce millésime se termine toutefois bien mieux que le précédent, qui avait vu les oliviers abandonner toutes leurs olives au coeur de l’été… De l’automne 2023 à la fin de l’hiver 2024, nous n’avons pas chômé dans l’oliveraie et battu un record que vous découvrirez plus bas. Bonne lecture !
L’été indien en Provence
Avec seulement 215 mm de pluie tombée de janvier à août, les 8 premiers mois de 2023 ont été les plus secs des 15 dernières années – à l’exception de 2022 tristement célèbre pour sa sécheresse record. Et malheureusement la tendance s’est poursuivie en septembre et en octobre, avec très peu de précipitations.
Sous l’effet du manque d’eau, nous avons ainsi vu l’oliveraie rester couleur jaune paille, alors qu’elle revêt généralement une jolie robe verte à l’arrivée de l’automne. Plus inquiétant encore, nous avons assisté impuissants à la dessication des olives, qui perdaient leur eau à mesure que la sécheresse s’accentuait. En lieu et place des grosses olives charnues qui habillent normalement les arbres à cette saison, nous n’avions plus que de petits corps asséchés semblables à des raisins secs.

Dans ce contexte, les olives ont entamé leur véraison (changement de couleur qui indique la maturité du fruit) presque un mois plus tôt que d’habitude, dès la mi-septembre ! Sur certains oliviers, la couleur a carrément viré au noir, et nous avons tenté ce que nous avons pu en apportant un peu d’eau au pied des arbres concernés. C’est la première fois que nous nous sommes retrouvés contraints d’arroser les arbres aussi tard dans l’année.

Le mois d’octobre s’est ensuite écoulé sans véritable pluie. Mais au moins les températures sont-elles enfin redescendues. Et les olives ont tenu ! Fin octobre, nous avons envoyé un échantillon d’olives au laboratoire du Centre Technique de l’Olivier pour obtenir une analyse de maturité, qui est revenue avec un diagramme en forme de tête de mort, conforme à ce que nous recherchons pour notre huile : les olives étaient prêtes à être récoltées, avec en outre une teneur en huile de 15% plutôt correcte compte tenu du climat très sec (nous naviguons habituellement entre 16% et 18%).

Puis soudain le déluge
Et alors que nous commencions à nous demander comment faire pour récolter ces olives devenues si petites qu’elles glisseraient entre les dents des râteaux, le ciel a finalement ouvert les vannes quelques jours avant le début de la cueillette. Avec un effet immédiat sur les olives, qui se sont immédiatement gorgées d’eau et ont regagné un aspect bien plus séduisant.

Le problème de la taille des olives était certes réglé, mais pas celui de la récolte en soi. Car la pluie a continué de tomber tout au long des trois jours de cueillette, organisée au cours du premier week-end de novembre. Nous avons cependant la chance de pouvoir compter sur des amis valeureux qui n’ont pas rechigné à la tache, même mouillés et transits.

Un record dont on se serait passé
Résultat des courses : plus de 1100 kg d’olives récoltées au cours du week-end ! La nouvelle question qui se posait, en se rendant au moulin, était dorénavant celle du rendement en huile, puisque toutes ces olives avaient fait de la gonflette artificielle sous l’effet de la pluie. Et effectivement, le verdict fut assez sévère : 140 litres d’huile, c’est-à-dire seulement 12,3% de teneur en huile dans les olives, bien loin des 15% prédits par l’analyse de maturité quelques jours plus tôt, et des pics à 18% des meilleures années.
Le jour où nous sommes venus récupérer l’huile au Clos des Jeannons, le moulinier nous a carrément accueillis avec ces paroles, dans un sourire compatissant toutefois : « c’est le record à la baisse depuis l’ouverture de la saison ! ». Dans le détail nous avons ainsi pressé 433 kg d’olives au Moulin du Chêne (Apt) pour 49 litres d’huile (11,3% de rendement) et 690 kg au Moulin du Clos des Jeannons (Gordes) pour 89 litres (12,9%).

Pour mémoire, depuis la récolte 2021 nous répartissons nos apports entre ces deux moulins, qui travaillent de manière légèrement différente : l’huile issue du Moulin du Chêne a un rendement plus maigre mais une concentration des saveurs souvent plus forte, tandis que le Moulin du Clos des Jeannons restitue une huile de très grande qualité avec un rendement plus intéressant. L’assemblage de ces deux presses nous permet in fine d’obtenir sur le plan organoleptique une huile plus complexe et profonde que lorsqu’on confie la récolte à un seul moulin.
A noter toutefois que la différence de saveur entre les deux presses s’est avérée moins marquée cette année, sans doute parce que la teneur en huile des olives était déjà particulièrement concentrée et la maturité plus avancée ! Le millésime 2023 se caractérise en effet par une amertume moins prononcée que les années précédentes, mais un fruité vert et une ardence toujours aussi intenses.
L’épicerie fine
Comme chaque année après la récolte, vient l’heure de la décantation (1 mois en cuve inox pour éliminer les résidus indésirables) puis de la mise en bouteille. Après plusieurs saisons à recycler des bouteilles de vin ou de bière, nous avons cette année décidé d’investir dans des bidons de 75cl en aluminium, car le recyclage des bouteilles en verre s’avérait fastidieux et pas si écologique – car très consommateur en eau. Les nouveaux flacons ont ensuite pu revêtir la jolie étiquette conçue par Mathilde à partir d’un cyanotype de rameau d’olivier.

Puis direction Paris et le restaurant Sezono pour tenir notre traditionnelle vente de fin d’année, le week-end du 15 décembre. L’occasion de revoir de nombreux amis et anciens collègues, fidèles consommateurs de l’huile d’olive extra vierge In Olio Veritas ! Merci à tous pour votre confiance et vos sourires lors de ces retrouvailles chaleureuses.
Du fumier pour réchauffer les cœurs
De retour en Provence après les fêtes, janvier et février se sont déroulés sous le signe du fumier de cheval et de l’amendement du sol de l’oliveraie ! Il nous aura ainsi fallu une bonne quinzaine de pauses méridiennes à travers l’hiver pour acheminer et épandre près de 10m3 de crottin de cheval composté.
Cette fumure provient du cheval et de l’âne d’un couple de particuliers du village voisin, bien heureux de nous voir récupérer leur « production » à intervalles réguliers. Cela fait pas mal de manutention (pelleter le fumier dans la remorque, conduire la remorque jusqu’à l’oliveraie, déverser le fumier à la pelle puis l’épandre au râteau sous les arbres…) et ça tient chaud, même en plein cœur de l’hiver. Mais nous préférons ce genre d’activité à un abonnement Basic Fitness – pour le même résultat sur nos corps sculpturaux.

Autre activité physique de choix : les murs en pierre sèche ! Pour remonter avec plus d’assurance les parois effondrées sur certaines restanques de notre parcelle, nous avons effectué une semaine entière de formation sur la construction et la restauration de murs en pierre sèche au CFPPA de Carpentras. Nous y avons appris les règles théoriques de base et le maniement des outils pour tailler les pierres de façon à les encastrer au mieux.

Chiche, une nouvelle aventure
Fin janvier, nous avons également tenté une nouvelle expérience en semant des graines de pois chiche entre deux rangées d’oliviers. C’est une famille d’oléiculteurs marocains qui nous a soufflé l’idée de cette association vertueuse entre les deux plantes. Comme l’olivier, le pois chiche s’épanouit en effet dans les climats et sols méditerranéens et il s’agit en outre d’une légumineuse dont le système racinaire abrite des bactéries qui fixent dans le sol une partie de l’azote contenu dans l’air. Surtout il s’agit d’un ingrédient indispensable pour la confection d’un met que nous consommons énormément : le houmous ! Après l’huile et les pois chiches, il ne nous reste plus qu’à produire nous-mêmes de l’ail et du sésame pour atteindre l’autonomie parfaite !
Si elle résiste bien à la chaleur et la sécheresse, la plante du pois chiche a néanmoins besoin d’eau au début pour lever. Et en cet hiver 2024 nous avons été particulièrement vernis puisque, à rebours de 2022 et 2023, les mois de février et mars ont été les plus pluvieux depuis de très nombreuses années (265mm en 2 mois, soit plus des deux tiers de ce qui était tombé sur l’ensemble de l’année 2022). Espérons que nos pois chiches sauront en tirer le meilleur profit !
Un mois de mars bien chargé
Comme chaque année, avec le mois de mars se profile l’étape cruciale de la taille des oliviers ! Cette activité aussi fastidieuse que méditative nous prend toujours une bonne semaine de travail, et s’avère essentielle pour maintenir le bon état général des arbres et de la parcelle. En renouvelant les branches et en aérant le houppier, on permet à l’arbre de rester productif et on réduit les risques de maladies fongiques. Pour nous aider dans cette lourde tâche, nous avons à nouveau pu compter sur une fine équipe d’amis et parents, venus apporter leur savoir-faire et leur bonne humeur.

Aussitôt après la taille, nous avons procédé à la pulvérisation d’une bouillie bordelaise sur les arbres, un moyen de lutte préventif contre la propagation des champignons foliaires au printemps, et notamment l’oeil de paon. Cette bouillie à base de cuivre est autorisée en Agriculture Biologique dans la limite d’une certaine quantité de cuivre, et nous restons pour notre part bien en dessous des dosages autorisés. Par ailleurs, comme l’année dernière, nous avons ajouté au mélange un engrais foliaire liquide pour booster la nutrition des arbres. Nous avons hâte de voir si tous ces soins porteront leurs fruits au printemps !
