- Producteur moulinier : Denis Pietri
- Marque : Moulin de la Malissonne
- Depuis : 2004
- Lieu : La Cadière d’Azur, Var (France)
- Oliveraie : 3 hectares exploités
- Variétés : innombrables ! Brun, Cayon, Aglandau, Barnea…
- Récolte : octobre
- Moulin : Moulin de la Malissonne
- Production : jusqu’à 70.000 litres pressés dans son moulin (les bonnes années)
Les multiples vies de Denis Pietri, le marin-moulinier
Amoureux de la vie en mer, l’ancien capitaine de marine marchande Denis Pietri est aussi un aficionado de l’oléiculture, qu’ont pratiquée de nombreuses générations de sa famille avant lui. Avec ses mains expertes en mécanique et son esprit adroit, il a façonné au cours des 17 dernières années un moulin qui se distingue par la qualité de l’huile qui en sort. Rencontre avec un passionné qui n’a ménagé ni son temps ni sa santé pour poursuivre ses rêves.

« Si vous cherchez Denis, il doit être dans la salle de filtration… comme d’habitude » nous avertit sa collaboratrice Valérie. Et c’est en effet dans ce petit réduit en enfilade que nous retrouvons ce grand gaillard au visage carré et aux mains épaisses, parfaite image d’Epinal du marin façonné par plusieurs décennies en mer à lutter contre vents, courants, marées et embruns.
Mais dans sa bouche, peu de mots pour évoquer ce passé pourtant pas si éloigné – il a pris sa retraite il y a tout juste un an. Ici nous sommes dans son moulin, son repaire, la salle des machines qu’il a conçue et aménagée année après année ; alors il ne sera question que d’olives et d’huile, ou presque.
L’inventeur de la filtration en continu
A commencer par ce qui est pourtant la toute dernière étape dans la fabrication de l’huile d’olive : la filtration. Il faut dire que c’est ce qui occupe principalement Denis pendant les deux mois de mise en service de son moulin, d’octobre à novembre. Parce que c’est lui qui a développé et mis sur pied ce procédé assez unique – même les fabricants italiens n’ont pas réussi à lui fournir ce qu’il souhaitait : un système de filtration en continu.

Au lieu de filtrer l’huile plusieurs jours ou semaines après sa production, comme le fait la très grande majorité des mouliniers, Denis Pietri a conçu un système de filtration dans la continuité de la presse des olives. Ce qui permet selon lui d’améliorer la qualité du produit, en retirant immédiatement les impuretés soupçonnées de détériorer l’huile ou d’en accélérer l’oxydation (pour mémoire, les avis sur la filtration sont partagés, certains considérant que cette étape soustrait également à l’huile des éléments constitutifs de son goût et/ou de ses propriétés bénéfiques pour la santé).
La qualité et l’hygiène avant tout
Car s’il y a bien une chose qui obsède Denis, c’est la qualité de l’huile qui sort de son moulin. C’est sa marque de fabrique et sûrement la raison pour laquelle plus de 2600 producteurs de la région, professionnels ou amateurs, font appel à ses services. Un joli succès pour celui à qui on ne prédisait pourtant pas un grand avenir à ses débuts, parce qu’il promouvait, à l’encontre des traditions locales et des idées reçues, le « fruité vert », c’est-à-dire l’huile pressée à partir d’olives récoltées précocement. « On m’appelait le moulin chimique » se souvient-il encore, en raison de la couleur très verte de l’huile et de son goût intense d’artichaut, d’amande verte ou d’herbe coupée.

Pour garantir cette qualité, Denis s’est procuré les meilleurs équipements possibles, qu’il a souvent personnalisés par la suite pour en améliorer le fonctionnement. Avoir les bons outils n’est cependant pas suffisant, il faut aussi les entretenir. Les conditions d’hygiène du Moulin de la Malissonne sont ainsi exceptionnelles : nettoyage à la vapeur chaque soir de toutes les cuves et surfaces, mise au propre de la centrifugeuse une fois par semaine, etc.
On le sait, on ne peut être en même temps au four et au moulin. Alors, pour surveiller les étapes en amont de la filtration, Denis a installé tout un réseau de caméras, qui lui permet de garder un oeil depuis son poste de contrôle, dans la salle de filtration, sur le bon déroulement des opérations. Et il est secondé par une petite équipe, réduite mais enthousiaste. On le serait à moins, en travaillant aux côtés d’un tel passionné, qui prend par ailleurs grand soin de son personnel. Ergonomie, hauteur des plans de travail, réduction du bruit : Denis a façonné tout son moulin pour permettre un meilleur confort de travail, en collaboration avec l’inspection du travail et la CPAM.

Une histoire familiale liée à l’oléiculture
Mais d’où vient cette passion justement, chez celui qui a passé des années en mer à la barre de gros navires marchands ? De la branche maternelle de la famille. Le grand-père de Denis Pietri était lui-même moulinier, comme son père avant lui – qui a également été maire de la Cadière d’Azur dans les années 1920. Mais après le terrible de gel de 1956 qui a ravagé la totalité des oliveraies de France, la famille s’est repliée sur la viticulture, qu’elle pratiquait jusqu’ici au même titre que l’oléiculture.
Depuis tout gamin, Denis n’aura eu de cesse de rêver à reprendre le flambeau. Mais il n’est pas encouragé par sa mère, qui fut témoin des difficultés rencontrées par son propre père et son grand-père. Alors Denis embrasse et suit son autre passion, qui vient cette fois du côté paternel : la mer. Mais sans jamais oublier tout à fait les olives. En 2004 il se jette à l’eau, en parallèle de sa carrière dans la marine marchande. Pendant plus de 15 ans, il prendra ses congés chaque année à la même période, en octobre et novembre. Non pas pour partir en vacances, mais pour travailler au moulin.

Une oliveraie expérimentale
Mais la passion de Denis Pietri pour l’oléiculture ne s’arrête pas au travail de moulinier. Pour comprendre le travail des cultivateurs et les aider à dépasser certains obstacles, il a développé sur 3 hectares de terres familiales une oliveraie expérimentale où l’on retrouve des dizaines de variétés différentes d’olivier. Celles du coin bien sûr (cayon, brun, aglandau…) mais aussi de plus exotiques comme la barnea israélienne (que nous avions déjà rencontrée en Nouvelle-Zélande souvenez-vous).
Plus de 400 oliviers sur lesquels Denis expérimente plusieurs techniques et procédés. Il a par exemple planté, avec succès, une vingtaine d’arbres sur une zone complètement pierreuse. Mais surtout Denis est devenu spécialiste de la taille des oliviers dite « Roventini », du nom de celui qui la développa en Italie au début du XXème siècle. Pour connaître tous les secrets de cette taille en gobelet, il a épluché, pendant ses heures de pause en mer, l’intégralité des ouvrages du maître italien et consulté tous les tutoriels existants sur Youtube. Le tout dans une langue qu’il ne parlait pas et qu’il a donc apprise pour l’occasion. Quand on vous dit qu’il est passionné ! Jusqu’à écrire son propre précis au sujet de la taille Roventini – en français cette fois.


Vous l’aurez compris, l’huile d’olive et Denis Pietri c’est une vraie histoire d’amour. Nous ne pouvons que vous conseiller d’aller pousser la porte de son moulin si vous passez dans la région.
L’adresse : 655 chemin de la Malissonne 83740 La Cadière d’Azur
Pour plus d’information, rendez-vous sur le site internet du Moulin de la Malissonne ou sur Facebook.
Retrouvez tous nos articles sur l’oléiculture en France, par ici !