- Producteur : Régine et Alain Brès
- Marque : Ferme Brès
- Depuis : 1829
- Lieu : Nyons, Drôme, France
- Oliveraie : 8 hectares, 2000 arbres
- Variétés : Tanche (et quelques arbres pollinisateurs, Cayon notamment)
- Récolte : à la main de fin novembre / début décembre à mi janvier.
- Moulin : presse des olives auprès de deux moulins de la région
- Production : 3000 à 4000 litres d’huile d’olive
- Autres produits : olives de table (saumurée, piquée, au naturel) ; tartinables, vin
- Spécificités : production biologique
Sept générations d’oléiculteurs à Nyons
Installée sur les hauteurs de Nyons, la ferme Brès est une exploitation familiale qui se transmet de génération en génération depuis près de 200 ans. Dans cette région où de nombreux producteurs possèdent à peine une centaine d’oliviers, la famille Brès ferait quasiment figure de « gros » avec ses 8 hectares et ses 2000 arbres. Mais elle cultive le goût des choses simples et l’art du partage. Rencontre avec Régine Brès, à la tête de la ferme depuis près de 20 ans.

In Olio Veritas – La culture de l’olivier dans votre famille remonte à 1829. Pouvez-vous nous parler de cette histoire familiale ?
Régine Bres – Ce serait une longue histoire, et d’ailleurs je n’en connais pas tous les détails. Il se trouve qu’une historienne américaine de l’université de Baltimore s’est prise d’intérêt pour ce sujet et mène actuellement des recherches sur notre famille, donc nous en saurons peut-être bientôt davantage ! En quelques mots simplement, mes ancêtres se sont installés sur ces terres en 1829 à proximité d’une source d’eau naturelle, et la ferme s’est transmise des parents aux enfants depuis lors.
Moi-même, j’ai quitté mon poste d’institutrice en 1999 pour assurer la relève aux côtés de mon père, et lui permettre de prendre progressivement sa retraite. Le temps qu’il ne passe plus dans les oliviers, il l’utilise désormais pour soigner ses patients, car figurez-vous qu’il a un don de … magnétiseur-sourcier ! Je représente la 6ème génération et mon fils Boris la 7ème. Mon mari et ma belle-fille travaillent également avec nous sur la ferme. Bref, c’est famille, famille, famille.

IOV – L’exploitation familiale a donc survécu au terrible gel de 1956…
Régine Bres – Et de 1929 ! Mon père avait 19 ans lorsque le gel de février 1956 a décimé tous les oliviers de la région, et de France d’ailleurs. Beaucoup d’oléiculteurs se sont retrouvés sur la paille du jour au lendemain, mais certains ont tenté malgré tout de restaurer leurs oliveraies.
Il y avait alors deux écoles : ceux qui choisirent de couper les arbres à la base du tronc pour faire naître de nouveaux rejets – ce qui donne lieu aux arbres « multi-troncs » que vous pouvez voir dans certaines oliveraies – et ceux qui décidèrent d’arracher carrément leurs arbres pour en planter d’autres. C’est cette deuxième option qu’a choisie mon père. C’était beaucoup plus fastidieux – il a mis plus d’un an à « casser » et dessoucher tous ses oliviers – et il lui a fallu attendre davantage de temps que ses voisins avant de faire ses premières récoltes.
Mais c’était un pari gagnant car, bien qu’à l’époque on travaillait encore les champs principalement avec des chevaux, il avait anticipé la mécanisation progressive de l’oléiculture et cela lui a permis de planter des parcelles bien structurées et alignées, aujourd’hui très adaptées au passage des engins agricoles.

IOV – Après ces considérations historiques, pouvez-vous nous parler plus précisément de votre travail, des différents produits que vous fabriquez ?
Régine Brès – Nous sommes en bi-culture vigne et oliviers, comme la plupart des producteurs de la région. Certains ajoutent d’autres cultures, notamment l’abricot. Nous en avions d’ailleurs dans ma jeunesse, car en attendant que les arbres de 1957 ne poussent, mon père avait planté un abricotier entre chaque jeune olivier, pour avoir une source de revenus… Il les a arrachés quand les oliviers ont commencé à donner raisonnablement.
Pour revenir à notre production actuelle, je trouve le travail de la vigne intéressant, mais moins exigeant et surtout moins passionnant que celui de l’olivier. D’autant plus que nous avons dans la région de Nyons une variété d’olive unique au monde – la Tanche – qu’on ne trouve qu’ici et à laquelle nous sommes donc très attachés (voir notre article à venir sur l’AOP des olives de Nyons). Et que nous la cultivons ici en biologique, sur 8 hectares ce qui représente environ 2000 arbres.
Cette variété se trouve être aussi bonne préparée en olive de table qu’en huile d’olive. Pour nous producteurs, l’olive de table est cependant plus rémunératrice : dans ma boutique à la ferme, je vends entre 10€ et 15€ le kilo d’olive contre un peu plus de 20€ le litre d’huile, mais pour lequel il m’a fallu presser 5 kilos d’olives. Le calcul est vite fait… Néanmoins, toutes les olives que nous récoltons ne sont pas adaptées à la table, notamment si elles sont trop petites ou ne portent pas assez la couleur ou les rides caractéristiques de l’AOP. On renvoie alors ces olives-là au moulin pour faire de l’huile d’olive. Je dirais qu’en moyenne, 50% de mes olives partent à la table et l’autre moitié à l’huile.
Et à côté de ces deux principaux produits, nous proposons aussi plusieurs dérivés de l’olive : tapenade, olivade, affinade… Il y en a pour tous les goûts.

IOV – Votre boutique à la ferme semble être un lieu de passage prisé des locaux et des touristes. Vous aimez être en contact avec les consommateurs ?
Cela fait aujourd’hui partie du métier. Si je ne souhaitais pas commercialiser moi-même mes produits, je donnerais mes olives à la coopérative après la récolte, et on en resterait là. Mais j’apprécie le contact avec les clients, qu’ils soient d’ici ou de passage. Nous avons d’ailleurs 6 emplacements de camping sur la ferme, et nos hôtes adorent repartir avec des produits d’ici. Et en dehors de la boutique, je vais régulièrement sur les marchés de la région.
L’histoire de notre ferme et de notre famille induit une inclinaison naturelle pour la transmission, l’apprentissage et le partage. Je continue à apprendre tous les jours, et avec le syndicat des oléiculteurs nyonsais, nous partons chaque année en voyage à la rencontre d’autres producteurs en Europe pour confronter nos expériences et nos savoir-faire. Au sujet de la mouche de l’olivier par exemple, nous sommes rentrés avec de nombreux enseignements de notre dernier voyage en Italie sur l’usage des pièges et l’utilisation du cuivre.

IOV – Concernant les menaces pour la filière justement, mais aussi les perspectives, quelle est votre analyse ?
Régine Brès – Pour commencer par les choses positives, je dirais que nous avons beaucoup de chance d’avoir un syndicat fort, qui a su faire reconnaître notre AOP dans les années 1990 ce qui était alors une première pour l’oléiculture en France. Cela nous aide beaucoup, car l’olive de Nyons est désormais identifiée et reconnue. Pour ma part, je joue vraiment le jeu et je trouve que les « contraintes » (cotisation, cahier des charges, etc) en valent vraiment la peine.
Concernant les menaces, ce qui m’inquiète le plus c’est le changement climatique. Nos étés sont résolument plus chauds, ce qui accroît évidemment les problèmes de sécheresse. Quant aux hivers, ils peuvent être plus rudes qu’auparavant, ce qui pose la question du gel… Nous essayons de ne pas trop y penser au quotidien, mais quand on exploite une ferme qui se transmet de génération en génération depuis près de 200 ans, on ne peut s’empêcher de penser à l’avenir !

Et pour en savoir plus sur la ferme Bres, vous pouvez consulter leur site internet.