Gaith Malouf – Liban

  • Producteur : Ghaith Malouf
  • Marque : Zeytoonhiyat (que pour les supermarchés)
  • Année : ses grands parents dans les années 1950
  • Lieu : Rachaya, Liban
  • Oliveraie : 10 ha, 2000 arbres
  • Variétés : Souri et Baladi
  • Récolte : octobre et novembre
  • Moulin : coopérative de Rachaya
  • Production : 3000 à 4000 litres par an
  • Autres produits : des noix et des figues
  • Spécificités : président de la coopérative de Rachaya ; 1er oléiculteur libanais à s’être converti au bio

Gaith Malouf, le puits de science oléicole du Sud-Liban

Amoureux des champs, Gaith Malouf consacre sa vie et son temps à l’agriculture. Le matin, il enseigne à l’école publique régionale d’agronomie – qu’il dirige par ailleurs. L’après-midi, il prend soin de ses 2000 oliviers – quand il n’est pas occupé à planter des noyers ou creuser un puits artésien. Enfin sur son temps libre, il s’occupe de la coopérative oléicole de Rachaya – qu’il a fondée et préside. Tout ceci en fait un expert très sollicité par les nombreux oléiculteurs de la région, à qui il prodigue conseils et coups de main. Toujours heureux de pouvoir partager sa passion, il a trouvé le temps de nous rencontrer malgré ses nombreuses responsabilités. Entretien avec le spécialiste de l’oléiculture au Sud-Liban.

L’une des parcelles appartenant à la famille de Gaith – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – Gaith bonjour. À quoi ressemble le secteur oléicole au Liban aujourd’hui ?

Gaith Malouf – L’oléiculture fait partie de l’ADN de ce pays. Les Phéniciens cultivaient déjà les olives il y a 3000 ans, et les oliviers représentent aujourd’hui 22% de la surface agricole du Liban. Cela est évidemment lié au climat, qui est excellent pour l’arbre. Cependant, si vous souhaitez en tirer de l’huile de qualité et en quantité, il est souvent nécessaire de pouvoir irriguer car les précipitations demeurent assez faibles. Or à peine 10% des oliveraies libanaises sont irriguées, ce qui pose problème ! D’un point de vue phytosanitaire, l’air sec et chaud du pays nous épargne les champignons ou moisissures – à l’exception de la maladie de l’œil de paon dans certaines régions. Quant aux insectes, c’est surtout la mouche de l’olivier que nous redoutons : en 2018 il y a eu une vraie invasion et de nombreux oléiculteurs ont, comme moi, perdu 30% à 50% de leur récolte. Enfin en ce qui concerne les aspects économiques, le marché est mis à mal depuis une quinzaine d’années et l’arrivée sur notre sol d’huile d’olive provenant de Syrie, 2 à 3 fois moins chère, même en temps de guerre. Depuis, il est très difficile de s’en sortir financièrement car les prix ont été tirés vers le bas.

Une feuille atteinte par la maladie de l’œil de paon – © In Olio Veritas

IOV – Et qu’en est-il du marché libanais de l’huile d’olive justement ? Quels sont les goûts, les habitudes d’achat ?

Gaith Malouf – Il faut être franc : les Libanais dans leur ensemble n’ont pas du tout d’appétence pour l’huile d’olive extra vierge de qualité. Très peu en connaissent même l’existence. Ils consomment l’huile que leurs parents et leurs parents avant eux ont toujours consommée : une huile rance, oxydée à outrance en raison de mauvaises conditions d’extraction ou de conservation – souvent les deux. Mais c’est ce qu’ils aiment ! Ils l’achètent par bidons de 17 litres, et il en faut généralement 2 pour une famille moyenne et tenir toute l’année. Ces bidons se vendent aux alentours de 120€, soit 7€ le litre environ. C’est vraiment dommage car au-delà du goût, cette huile n’a plus aucune propriété salutaire… Mais entre les saveurs plus prononcées et le prix deux fois plus élevé, il faut se lever de bonne heure pour vendre de l’huile extra vierge à un Libanais ! Il n’y a quasiment pas de marché pour l’huile de qualité, à part à Beyrouth auprès d’une minorité plus sensible à ces aspects et notamment des restaurateurs de haut niveau.

Gaith examinant avec attention l’un de ses arbres – © In Olio Veritas

IOV – Après ce tour d’horizon, pouvez-vous nous parler de votre exploitation et votre production ?

Gaith Malouf – Ma famille possède une dizaine d’hectares d’oliviers sur plusieurs parcelles à Rachaya, soit 2000 arbres environ. La plupart de ces oliviers ont été plantés il y a 60 à 70 ans. Mes frères vivent à Beyrouth mais viennent m’aider ponctuellement et en particulier pendant la saison de la récolte. Nous produisons 3000 à 4000 litres bon an mal an, même si je n’ai pu obtenir qu’à peine 1000 litres en 2018 à cause de l’invasion de mouches. Et d’une qualité bien moindre que les années précédentes. Mais 2019 se présente bien, pour le moment. À côté des oliviers, nous cultivons également des figuiers et j’ai planté l’an dernier des noyers sur deux nouvelles parcelles.

La ville de Rachaya vue depuis l’oliveraie de Gaith – © In Olio Veritas

IOV – Nous croyons savoir que vous avez été le premier oléiculteur du pays à se convertir au bio, est-ce exact ?

Gaith Malouf – En effet, j’avais même le matricule 00001 de l’organisme de certification. Mais il y a deux ans, j’ai rendu ma carte. Non pas que j’aie arrêté les méthodes biologiques, au contraire. Mais dans la mesure où il n’y a pas de marché pour l’huile d’olive extra vierge et encore moins pour le bio, cela n’avait pas de sens de payer chaque année pour cette certification qui ne m’apportait aucune plus-value marchande. Cependant les choses semblent commencer à changer un peu, et j’envisage de demander à nouveau la certification l’an prochain.

Avec les soins tout naturels qu’il leur apporte, les arbres de Gaith se portent bien – © In Olio Veritas

IOV – À côté de votre exploitation, vous êtes également à la tête de la coopérative de Rachaya. Comment fonctionne-t-elle ?

Gaith Malouf – Nous avons créé cette coopérative en 1993, qui regroupe 68 familles ou oléiculteurs de la ville de Rachaya et des alentours. C’est avant tout une mise en commun de moyens techniques : outils, tracteurs, charrues, et le moulin bien évidemment. Cela permet de réduire les coûts pour chacun. Aux débuts des années 2000, nous avons tenté d’aller plus loin, en lançant une stratégie de communication et marketing commune mais c’était juste avant que le marché ne s’effondre avec l’arrivée de l’huile syrienne, et chacun s’est replié sur soi. J’ai bien tenté de relancer l’idée il y a quelques années, notamment en essayant de faire reconnaître un label d’appellation géographique pour la région, mais sans succès pour l’heure. Mais je ne baisse pas les bras ! Ma nouvelle idée serait de commercialiser une huile sous la marque de la coopérative, en prenant et regroupant une infime partie de la production de chacun. Mais il me faudra lever pas mal d’objections internes…

À défaut d’être soutenus par le gouvernement libanais, certains investissements sont subventionnés par l’UE ou des ONG – © In Olio Veritas

IOV – L’oléiculture libanaise semble faire face à de nombreux défis, comment voyez-vous l’avenir ?

Gaith Malouf – Je crains que l’oléiculture que nous connaissons ne disparaisse peu à peu. C’est un mode de vie, avant d’être un moyen de subsistance. Or cela demande beaucoup d’efforts et de sacrifices, et n’attire donc pas – ou peu – la nouvelle génération. De plus nous assistons à la naissance d’une course à la productivité. À quelques kilomètres de Rachaya par exemple, un propriétaire a fait planter en zone irriguée plusieurs hectares d’Arbequina en hyper-intensif, comme si nous étions en Espagne ! Dans ce contexte, je pense que les zones les plus difficiles d’accès et à cultiver vont être progressivement abandonnées, au profit d’oliveraies intensives où la récolte sera mécanisée. À moins… à moins que l’on parvienne à sensibiliser les consommateurs libanais à l’huile de qualité, extra vierge, et aux méthodes traditionnelles dont elle découle. C’est notamment dans cette perspective d’éducation du public que nous avons lancé avec d’autres experts le premier panel d’analyses sensorielles de l’huile d’olive. Mais il en faudra davantage pour changer les mentalités et cela demanderait beaucoup d’efforts et de moyens de la part des pouvoirs publics, or ceci ne semble pas être dans leurs plans pour l’instant.

Vue sur la vallée de Rachaya depuis le toit du moulin de la coopérative – © In Olio Veritas

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