- Producteur : Augusto Spagnoli
- Marque : Augusto Spagnoli
- Date d’installation : la famille Spagnoli cultive cette oliveraie depuis le XVIIè siècle et plus de 10 générations
- Lieu : Nerola, province de la Sabine, dans le Lazio
- Oliveraie : 40 hectares et possède son propre moulin
- Variétés : Carboncella, Frantoio, Moraiolo, Fiecciara…
- Récolte : de mi-octobre à mi-décembre, à la main et au peigne
- Production : 30 000 litres par an, AOP Sabina et bio
- Autres produits : olives de table, tapenade, légumes sott’olio
- Spécificités : une partie de l’oliveraie remonte à l’Empire Romain…
Regard inquiet sur l’oléiculture paysanne en Italie
Augusto Spagnoli est le fier successeur d’une longue lignée d’oléiculteurs dans la fameuse province de la Sabine, à quelques encablures de Rome (souvenez-vous, l’enlèvement des Sabines…). Parmi ses 6000 arbres, on en trouve de toutes les époques : des petits jeunes, des oliviers du XVIIIè siècle, du XVè siècle, et même… de l’Empire Romain. Après 4 mauvaises récoltes successives et sans héritier pour perpétuer la tradition familiale, Augusto semble assez pessimiste sur l’avenir de la filière en règle générale. Mais sa passion pour les arbres et la nature reste intacte. Rencontre.

In Olio Veritas – Augusto, pouvez-vous nous parler de cette magnifique exploitation ? Quelle est son histoire ?
Augusto Spagnoli – L’oliveraie fait à peu près 40 hectares, et une grande partie était déjà dans ma famille il y a plus de 10 générations, au XVIIè siècle. La parcelle sur laquelle nous nous trouvons remonte elle à l’Empire Romain ! Elle a d’ailleurs l’implantation typique de cette époque : les oliviers n’étaient pas plantés selon un plan en carré comme aujourd’hui, mais en triangle. Les arbres se faisaient moins d’ombre, et leurs racines se répartissaient mieux les nutriments du sol. D’autres parcelles datent du XVè, du XVIIIè siècle. Et d’autres n’ont que quelques décennies.

IOV – Les plus jeunes que l’on voit sur la colline en face n’ont pas l’air en très grande forme...
Augusto Spagnoli – En effet, ceux-là ont été brûlés par le très grand froid de cet hiver. Tous les 30 ans environ, un courant sibérien s’abat sur l’Europe occidentale : 1929, 1956, 1986 et donc 2018. Une partie des arbres adultes peut supporter ce froid, mais les plus jeunes n’ont pas encore assez d’épaisseur. Alors la sève gèle, et le cycle vital de l’arbre est brisé : les nutriments ne remontent plus des racines et l’oxygène ne descend plus des feuilles… Bien sûr la résistance aux températures extrêmes dépend aussi des variétés.

IOV – Justement, pouvez-vous nous présenter les variétés que vous cultivez ici ?
Augusto Spagnoli – Compte tenu de l’âge de l’oliveraie, nous avons beaucoup de variétés autochtones, notamment Moraiolo et Carboncella, à la maturité des fruits assez précoce. Les Carboncella étant des arbres autostériles, je dois surveiller scrupuleusement leur pollinisation. Parmi les variétés plus répandues, nous avons de nombreux Frantoio. Pour revenir sur les températures extrêmes, je constate que les variétés autochtones souffrent davantage du réchauffement climatique.
IOV – Cela a-t-il des conséquences sur vos rendements et votre production ?
Augusto Spagnoli – Le réchauffement climatique nous impacte à la marge, car la plupart des arbres ici sont suffisamment vieux et forts pour résister. Le dérèglement climatique en revanche… Avant le froid glacial de cet hiver, qui va fortement impacter la production 2018, nous sortions déjà de 3 années quasi-blanches. En 2017, le sirocco a soufflé plus fort que d’habitude en mai et a littéralement brûlé les fleurs des oliviers. En 2016, des pluies torrentielles au moment de la pollinisation ont empêché la floraison. En en 2015, ce n’était pas le climat mais la fameuse mouche de l’olivier. Il faut avoir les reins solides pour faire ce métier…

IOV – Justement, parlez nous de la manière dont vous travaillez. Comment exploitez-vous cette immense oliveraie ?
Augusto Spagnoli – En dehors de la période de la récolte, je m’occupe seul de l’entretien des arbres. Comme vous pouvez le voir, je ne désherbe pas ou peu les rangées d’oliviers : non pas pour économiser du temps mais parce que je considère que les plantes officinales qui poussent aux pieds des arbres leur sont bénéfiques. Certaines éloignent les parasites, d’autres fixent de l’azote dans le sol, dont tirent ensuite profit les oliviers. C’est ma vision de l’agriculture et vous comprendrez que toute la production est certifiée biologique. Le seul composé chimique que j’utilise, et encore pas tous les ans, est le sulfate de cuivre pour éviter les attaques de mouche. Mais il est autorisé en agriculture biologique.
IOV – Comment trouvez-vous le temps de vous occuper de la vente de vos produits ?
Augusto Spagnoli – Cela n’a jamais été mon fort… Mais j’ai deux sœurs, récemment retraitées, qui m’aident désormais dans ce domaine. Les gens des alentours viennent s’approvisionner directement au moulin. Nous vendons aussi un peu à travers des groupements d’achats collectifs. Et nous allons sur quelques marchés. Mais Rome, qui est à une heure de route seulement et représente 10% du marché italien, m’est inaccessible : construire des relations avec des distributeurs là-bas me prendrait trop de temps. J’ai bien essayé de travailler avec des revendeurs à l’international mais cela n’était pas rentable : trop de logistique, pas assez de volume.
IOV – Et pour la récolte, comment vous organisez-vous ?
Augusto Spagnoli – La récolte s’étale de mi-octobre à mi-décembre, en fonction de la maturité des différentes variétés. Nous récoltons les olives à la main dans les arbres les plus vieux, qui peuvent donner jusqu’à 50kg de fruits chacun, pour éviter de les endommager. Et avec des peignes vibrants dans les autres arbres. Quand j’ai repris l’exploitation familiale il y a quelques décennies, nous n’étions que des jeunes dans l’oliveraie au moment de la récolte. Mais aujourd’hui, impossible de trouver de jeunes italiens pour effectuer cette tâche. Je ne peux compter que sur des retraités du coin suffisamment en forme, et qui repartent avec plusieurs litres d’huile en échange. Pour compléter je fais appel à des travailleurs roumains ou extra-communautaires. L’année dernière, le plus jeune italien pendant la récolte avait 60 ans.

IOV – Le portrait que vous dressez n’est pas particulièrement enthousiaste. Comment voyez l’avenir de la filière ? Y’a t il des perspectives plus encourageantes ?
Augusto Spagnoli – Je ne suis pas très optimiste en effet. Il y a trop de distorsions sur le marché et le consommateur se laisse berner, en achetant à bas coût en supermarché l’huile d’olive industrielle des grandes multinationales. Les produits de qualité ont évidemment un coût, et se vendent de moins en moins bien. L’huile que je produis a une AOP, qui correspond à une histoire millénaire : cela fait des siècles qu’on cultive l’olivier en Sabine. Mais la seule étiquette que regarde le consommateur d’huile d’olive, c’est le prix… Entre les distorsions de marché et les aléas climatiques, peu de jeunes sont tentés de se lancer dans l’aventure de l’oléiculture. Et je les comprends. Quel attrait peut-on avoir pour un métier dont la source de revenus la plus stable est en réalité l’Europe et ses subventions ? Certaines années cela représente jusqu’à 50% de mes revenus, signe que l’oléiculture paysanne italienne est bien malade. Il faudrait essayer de mieux s’organiser entre nous, pour la distribution notamment. Mais l’italien a tendance a vouloir tirer la couverture à lui.
IOV – Et quel avenir pour votre oliveraie familiale ?
Augusto Spagnoli – Je n’ai pas d’enfants. Et mes neveux ne semblent pas intéressés. Je ne sais pas encore comment les choses se passeront, mais je serai probablement le dernier Spagnoli à cultiver ces terres et ces arbres…

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