Moulin à huile la Colombe – Vaucluse, France

  • Lieu : Malemort-du-Comtat, Vaucluse, France
  • Depuis : 1933
  • Variétés : Aglandau uniquement
  • Récolte : fin octobre à décembre
  • Moulin : coopérative oléicole qui compte près de 600 adhérents issus de 56 communes alentours
  • Production : jusqu’à 40 000 L d’huile par an (200 tonnes d’olives ; rendement de 20% environ)
  • Spécificités : moulin traditionnel produisant exclusivement de l’huile d’olive au fruité noir (« goût à l’ancienne »)

Le goût de la tradition à l’ancienne

C’est un véritable voyage dans le temps que nous vous proposons avec la visite du dernier moulin traditionnel de Vaucluse – et l’un des tous derniers en France. Ici, pour extraire le précieux nectar des olives apportées par les coopérateurs des environs, point de machinerie high-tech comme savent en produire et commercialiser les Italiens, mais une bonne vieille meule et des presses hydrauliques qui semblent tout droit sorties d’un film en noir et blanc. Et pour ne rien sacrifier à la tradition, le moulin la Colombe produit exclusivement de l’huile d’olive au fruité noir, dit aussi « goût à l’ancienne ». Attachez vos ceintures et bon voyage dans les couloirs du temps !

Comme Bernard, chaque année, près de 600 oléiculteurs apportent leurs olives à la Colombe. – © In Olio Veritas

La tradition en héritage

À sa fondation en 1933, par un certain Monsieur Gras (ça ne s’invente pas !), la Colombe de Malemort-du-Comtat était un moulin comme tant d’autres en cette bonne terre de Provence particulièrement propice à la culture de l’olivier. Au cours de la première moitié du XXème siècle de nombreuses villes et villages de la région virent en effet naître des coopératives agricoles qui permettaient aux paysans de mutualiser certains investissements, que ce soit pour la culture ou la transformation des récoltes.

Puis, à partir des années 1970 et 80, de nouveaux procédés d’extraction de l’huile d’olive furent développés et des machines de plus en plus modernes firent leur apparition dans les moulins d’Italie, d’Espagne et de France. Progressivement, les broyeurs à disques ou à marteaux ainsi que des malaxeurs automatisés remplacèrent la meule de granit qui depuis des millénaires concassait et triturait les olives, tandis que de puissantes centrifugeuses se substituèrent aux pressoirs antiques qui permettaient de séparer l’huile et l’eau des autres résidus de l’olive.

Les meules en granit pèsent 1 tonne chacune ! – © In Olio Veritas

Mais à la Colombe, génération après génération, on a préféré conserver les procédés d’autrefois, demeurant à ce jour le dernier moulin de Vaucluse à suivre la méthode traditionnelle – et l’un des derniers en France. Ici ce sont ainsi deux meules en granit d’une tonne chacune qui cassent et concassent les olives pendant une vingtaine de minutes, produisant une épaisse pâte d’olive. Celle-ci est ensuite étalée sur des galettes tissées, sorte de grands filtres que l’on appelle « scourtins » et qui sont superposés en piles de un mètre de hauteur environ. Chaque pile est alors placée sous une presse hydraulique, dont la lente mais puissante action va permettre aux scourtins de retenir dans leur tissage les composants solides de la pâte d’olive, tout en laissant s’échapper l’huile et l’eau contenues dans le fruit.

La pâte broyée et malaxée est déposée sur un scourtin. – © In Olio Veritas

Traditionnel mais pas hors du temps

La meule, les scourtins, les pressoirs ne datent heureusement pas de 1933 ! La Colombe a en effet automatisé progressivement une bonne partie des appareils de transformation, permettant au moulin de fonctionner avec une petite poignée de manutentionnaires, forcément saisonniers puisque la récolte ne dure que deux mois dans l’année.

La meule est ainsi mue par l’énergie électrique et non par un âne ou un ruisseau, tandis qu’une machine-automate aide le moulinier à disposer la pâte sur les scourtins avant de les empiler par centaine. Ces derniers sont d’ailleurs fabriqués en Italie avec du nylon, censé être plus hygiénique que les cordages de coco, d’alfa ou de chanvre avec lesquels on a fabriqué les scourtins pendant des siècles. Enfin des presses hydrauliques capables d’exercer une pression de 400kg/cm² ont depuis longtemps remplacé les anciens pressoirs à vis en bois. Ultime concession à la modernité : c’est une centrifugeuse verticale qui permet de séparer l’huile de l’eau, solution moins laborieuse que le procédé antique « à la feuille », qui consiste à prélever l’huile flottant à la surface de l’eau à l’aide d’une très fine lame d’acier.

La fameuse première pression à froid ! – © In Olio Veritas

Par ailleurs le moulin la Colombe dispose également depuis 2019 d’une ligne de production plus moderne avec un broyeur, un malaxeur et une centrifugeuse. Cette unité de transformation supplémentaire se révèle particulièrement utile lorsqu’une des machines du moulin traditionnel vient à tomber en panne. Compte tenu de la rareté de ces équipements, la réparation et surtout le remplacement d’une pièce défectueuse peut en effet prendre plusieurs jours voire semaines…

Une coopérative à l’ancienne

Mais ce qui fait la particularité du moulin de Malemort-du-Comtat, ce n’est pas uniquement ses machines. C’est aussi son huile. Car ici, on n’accepte que des olives de la variété Aglandau – également appelée « Verdale de Carpentras », commune voisine de Malemort-du-Comtat – et on ne produit que de l’huile d’olive au fruité « à l’ancienne ». Cette huile, c’est celle qu’on obtient en laissant maturer les olives en caisse pendant plusieurs jours avant de les envoyer en trituration – en l’occurrence trois jours en moyenne au moulin de la Colombe.

Le but de cette maturation est d’entrainer une légère fermentation des olives, qui rend le broyage sous la meule plus aisé, et qui confère au passage à l’huile un goût très différent de celui auquel on est habitué avec les fruités verts ou mûrs, offrant des arômes très proches de la tapenade, de la banane mûre ou encore du cacao et de la vanille.

Récupération de l’huile à la sortie de la centrifugeuse. – © In Olio Veritas

En fonction des années et des récoltes, plus ou moins bonnes, la Colombe peut ainsi traiter jusqu’à 200 tonnes d’olives, offrant un rendement en huile aux alentours de 20%, soit 40 000 litres d’huile d’olive les bonnes années. La coopérative commercialise 10 à 15% de la production dans les boutiques des environs, et restitue la très grande majorité de l’huile à ses 600 adhérents. Des adhérents dont le nombre ne diminue pas au fil des ans, et qui semblent donc ravis du résultat mais aussi de participer à la préservation d’un patrimoine culturel désormais unique dans le département.

Merci à Bernard Coupet pour cette visite ! Pour plus d’information :

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