La Lieutenante – Vallée des Baux-de-Provence, France

  • Producteur : Laurent Bélorgey
  • Marque : La Lieutenante
  • Année : propriété familiale depuis deux siècles
  • Lieu : Saint-Martin de Crau, Bouches-du-Rhône, France
  • Oliveraie : 48 hectares, 13 000 oliviers
  • Variétés : Salonenque, Béruguette, Verdale, Grossane, Picholine, Cailletier
  • Récolte : fin août à la main pour les olives de table, novembre pour l’huile
  • Moulin : Moulin privé de Castellas
  • Production : 40 000 L d’huile par an
  • Autres produits : olives, tapenades, 110 Ha de foin de Crau, 30 Ha d’amandiers
  • Spécificités : irrigation grâce au canal de Craponne, AOP Baux-de-Provence

Une armée d’oliviers aux portes du désert

C’est à bord de sa fourgonnette blanche et en bras de chemise que Laurent Bélorgey nous accueille sur son grand domaine oléicole de la Lieutenante, aux portes de la Crau. Dans cette zone semi-aride du sud de la France, l’eau canalisée de la Durance lui permet de cultiver des oliviers, mais aussi des amandiers et du foin de Crau. Il nous en dit plus sur les problématiques de la région mais aussi les enjeux de l’oléiculture française selon l’interprofession France Olive, dont il a pris la présidence en 2018.

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Le domaine de la Lieutenante, c’est par ici ! – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – Bonjour Laurent. Pouvez-vous nous présenter votre domaine, la Lieutenante ?

Laurent Bélorgey – La Lieutenante est une propriété agricole, dans ma famille depuis deux siècles, et la culture de l’olivier plus particulièrement est une passion familiale depuis des générations.  En 1956, le grand gel a détruit la plupart de nos arbres, mais mon grand-père a décidé de les recéper et d’en replanter, en participant aux différents programmes de relance de l’oléiculture en France. Dès 1963, il a investi dans un moulin à huile avec des voisins et amis. Mon père a pris la suite dans les années 1990 et a continué l’expansion de l’oliveraie et des autres cultures. J’ai pris la relève en 2002, un changement de vie total pour moi qui étais ingénieur dans la banque au Luxembourg… Aujourd’hui, avec l’aide de cinq salariés permanents, nous cultivons 48 hectares d’oliviers, 110 hectares de foin de Crau et 30 hectares d’amandiers.

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Des jeunes amandiers par rangées d’un kilomètre ! – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – Pourquoi est-ce important d’être en polyculture ?

Laurent Bélorgey – La polyculture est essentielle pour ne pas dépendre d’une seule culture et faire trop fortement les frais des aléas climatiques. Mais l’agriculture n’est pas un métier facile : il n’y a pas d’année parfaite où toutes les cultures vont bien !

Nous participons depuis quelques années au plan de relance de la culture d’amandes en France, lancé à la suite de la baisse de la production californienne et au souhait des confiseurs français, comme les Calissons Roy René ou François Doucet, de relocaliser leur sourcing de fruits à coque. Vous pouvez déjà voir nos premières amandes sur les arbres qui ont trois ans.

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La récolte des amandes sèches se fait à la fin de l’été. – © In Olio Veritas

Enfin nous cultivons aussi le fameux foin de Crau, réputé pour son apport nutritif exceptionnel, et qui a d’ailleurs reçu la première Appellation d’Origine Controllée pour un produit de l’agriculture non destiné à l’alimentation humaine.

In Olio Veritas – La Crau est une zone aride, comment gérez-vous l’irrigation de vos cultures ?

Laurent Bélorgey – L’eau est en effet une ressource clé dans cette région au climat semi-aride. La Crau est une zone désertique, divisée en deux parties : la Crau sèche au sud, dernier habitat de type steppique d’Europe occidentale, et la Crau dite humide au nord, qui fut irriguée par le canal de Craponne – et donc cultivée – dès le XVIe siècle. Ce canal apporte dans la région l’eau de la Durance, un abondant affluent du Rhône.

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Le canal de la Haute-Crau coule au sud des parcelles de la Lieutenante. – © In Olio Veritas

En ce qui concerne les oliviers, l’irrigation se fait au goutte à goutte, par des tuyaux enterrés à quelques centimètres aux pieds des arbres. L’eau provient du canal de la Haute-Crau, une ramification du canal de Craponne, et nous avons un accès réglementé par des Droits Napoléoniens affectés à certaines de nos terres. C’est en gros 1,2 litre par seconde par hectare sous forme d’un forfait progressif très encadré, qui nous permet d’avoir de l’eau en permanence et ainsi une bonne productivité de nos arbres d’une année sur l’autre. C’est bien connu : « L’olivier rend au centuple le soin qu’on lui apporte » !

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Le système d’irrigation enterré. – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – La question de la productivité du verger français est une préoccupation de l’interprofession France Olive (ex. AFIDOL) dont vous avez pris la présidence en 2018. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Laurent Bélorgey – La productivité du verger français est aujourd’hui de 250 litres d’huile d’olive par hectare d’oliviers, alors que, pour vous faire une idée, elle est de plus de 1000 litres par hectare en Espagne. France Olive a donc pour objectif de faire doubler la production française dans les années à venir.

Mais ce n’est pas tout de croître, il faut aussi stabiliser cette production d’une année sur l’autre, pour pouvoir avoir des canaux de distribution pérennes. En 2008 par exemple, la France a connu un boum de sa production d’huile d’olive, avec près de 7000 tonnes, mais il n’y avait pas suffisamment de canaux de distribution en place pour écouler cette quantité, et donc les oléiculteurs se sont retrouvés avec leur production sur les bras. Les années suivantes, qu’on appelle les « années de découragement », certains ont ainsi été réticents à produire au maximum de leur capacité, quand ce n’était pas le climat ou la mouche qui endommageaient les récoltes. Ce n’est que depuis 2017 qu’on a atteint de nouveau les 6000 tonnes annuelles en France.

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Les oliviers de la Lieutenante arrosés au goutte à goutte. – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – Concrètement, que fait France Olive pour améliorer la productivité des oliveraies ?

Laurent Bélorgey – D’une part, nous cherchons à professionnaliser les oléiculteurs et à faire de l’oléiculture une activité rentable pour attirer des jeunes dans le métier. La France compte encore principalement des amateurs, qui cultivent des oliviers comme activité secondaire. France Olive propose donc des formations à la taille, l’irrigation, ou encore la fertilisation et soutient les programmes du lycée agricole de Saint-Rémy-de-Provence ou de l’université de Montpellier.

D’autre part, cela passe par le maintient des prix et la recherches de débouchés qualitatifs pour les huiles d’olives de France. Pour cela, l’interprofession participe à des événements et déploie des actions de communication pour séduire toujours plus de consommateurs.

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L’AFIDOL devient France Olive en 2019. – © In Olio veritas

In Olio Veritas – Et qu’en est-il des huiles d’olive biologiques en France ?

Laurent Bélorgey – Côté consommation il y a clairement une demande. Côté production, le bio augmente un peu, mais le principal problème reste la mouche de l’olive, qui, comme en 2014, peut dévaster les vergers malgré la lutte biologique. Nous finançons des thèses pour trouver des solutions écologiques afin de lutter contre ce parasite ainsi que d’autres maladies présentes sur le territoire mais parfois mal connues des oléiculteurs Français, comme l’œil de paon. En attendant, nous soutenons la création d’une catégorie intermédiaire entre la culture conventionnelle et celle biologique, dite à Haute Valeur Environnementale, qui marquerait une approche aussi écologique que possible.

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La Lieutenante cultive déjà 12 hectares en bio. – © In Olio Veritas

Retrouvez tous nos articles sur l’huile d’olive en France par ici !

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